Tout commence avec une histoire pour briller en société de L’indeprimeuse sur son Instagram et un des commentaires laissés.
Avant Kodak personne ne souriait sur les photos. C'est la marque qui en a fait un réflexe formaté.
Alors la prochaine fois qu'on vous demande de sourire pour la photo, répondez « Non merci je ne suis pas un pur produit du capitalisme, moi. »
Alors non. L'histoire c'est qu'au début on ne souriait pas, car tenir un sourire figé pendant 1min c'est impossible. Quand le film c'était du 1 ou 2 iso, que la pose devait être le plus figée possible. C'était pour La seule photo de votre vie : celle qu'on s'offrait pour le mariage, ou le baptême.
Et puis, les films et la chimie ont fait des progrès. Et puis Kodak à fait le Brownie. Premier appareil grand public. Et on faisait des photos en vacances, car elles étaient rares, et on voulait s'en souvenir toujours. Et quand on est heureux, on sourit.
Donc non, Kodak n'a rien à voir avec sourire sur les photos.
Et si on arrêtait de voir le capitalisme et tout ces maux ?
Ca m’a trop perturbé que j’ai même fait un dessin en faisant mes recherches sur le sourire et j’ai retrouvé une des photos de moi, 5 ans environ, où je pense, j’ai déjà accepté l’idée qu’on nous photographie sans qu’on ait vraiment envie, mais parce qu’ ”il le faut, pour garder le souvenir” et que je dois supporter ce noeud complètement hors sujet sur mes cheveux lisses et ces oeillets en plastique et tissu placés par le photographe venu dans notre “jardin d’enfants”. Mais je résiste à ce mascarade avec ce semi-sourire.
(D’ailleurs, un autre témoignage vu sur Instagram, “t’es pas jolie quand tu fais la tête” )


La photo de ma grand-mère a été destinée à mon grand-père. Elle a écrit de l’autre côté en russe (je vous traduis) : “Yurii, est-ce vrai que je ressemble à une éternelle rieuse ?” Je pense que son sourire est plutôt posé pour montrer comment elle est belle et attirante. Mon grand-père est parti le premier en 2007, ma grand-mère ne s’est jamais remise de sa mort.
Quelques d’autres exemples que j’ai trouvé sur archive.org : portrait d’une jeune fille, 1856-1900 (j’ai l’impression qu’elle défie un peu son photographe avec ce sourire demi esquissée, ou je fais des projections) // une pub de Kodak dans le magazine Harper’s monthly 1902 (j’ai l’impression qu’elle sourit pas trop) // des jeunes filles russes avec des plats de bienvenue (elles sont solennelles, normal, il y a un Sergei Prokudin-Gorskii qui les prend en photo couleur pour son travail de documentation sur l’empire russe entre 1909-1915.



Et là, je suis en train de lire “Sourire aux éclats” de Sophie Chauveau (2001) qui a collaboré avec Julie de Venus s’épilait-t-elle la chatte ? et qui cite Simone Weil en préface(= Marion de Word economy) .
A la page 16 je ne souris pas , je pleure.
Je pleure aussi quand je regarde ce dessin animé de mon enfance. (Est-ce que je pleure mon enfance, est-ce que je pleure car je trouve les paroles si touchantes et vraies, est-ce que je pleure parce que je cela fait 6 ans que j’ai pas vu mes parents autrement que sur WhatsUp, est-ce que je pleure parce que mon grand pays natal qui produisait de tels dessins animés maintenant interdit tous les auteurs que je lisais adolescente, la liste de mes questions est longue) On peut résumer cette histoire avec la phrase de Sophie Chauveau :
Sourire est également le seul mode de communication emphatique avec l’étranger ou l’inconnu.
Un sourire rend une journée sombre plus lumineuse.
Un sourire réveillera un arc-en-ciel dans le ciel !
Partagez votre sourire,
Et elle reviendra vers vous plus d'une fois.
Et puis, c'est sûr, les nuages vont soudainement commencer à danser,
Et la sauterelle commencera à jouer du violon.
Une rivière commence par un ruisseau bleu,
Eh bien, l’amitié commence par un sourire.
Je suis passée par plein de sentiments en écrivant ce billet, et le constat évident et simple (puisque nous sommes en mai et nous faisons ce qui nous plaît et que notre corps, notre choix) : j’aime dessiner des personnages plutôt souriants car même si moi, j’ai le visage concentré, dessiner ce sourire, fait naitre le sourire sur le mien. Et cela veut dire chez celle qui regarde mon dessin ! Pendant les temps qui courent qui refusera un cercle vertueux du sourire ? :-)
Et je vous laisse avec cette citation d’Anne Sylvestre ( et je retourne au “Sourire aux éclats” ) :
… À l'image de ces brodeuses, si prévoyantes quant à la longueur de leur fil, je me dis parfois qu'on devrait mesurer la longueur de patience qu'il faudra pour arriver à vivre certaines choses, la longueur de peine ou de douleur nécessaire pour vivre les chagrins, mais ne pas oublier la longueur illimitée du bonheur à vivre et à donner, pelote qu'on laisserait se dévider, se dérouler sans qu'il soit besoin d'y faire un nœud.
Très intéressant ce billet, merci!
Que de beaux souvenirs, ces photos de tes grands parents 🙂
Ton billet est super intéressant. Et j'aime beaucoup la photo de ta grand-mère.